La pratique consiste à construire un pont entre l'approche analytique et l'approche systémique. Ainsi, les interactions entre le sujet et son environnement ne sont pas seulement déterminées par la nature des relations que le sujet entretient avec son environnement mais aussi par les relations qu'il entretient avec lui-même et en particulier avec sa propre histoire (ses relations, les événements de vie).
Ce faisant, le thérapeute observe tout particulièrement la nature de la relation que le patient tente d'instaurer avec lui et l'analyse comme le reflet de celle qu'il vit ou a vécu avec d'autres personnages de son histoire passée, mais aussi de celle qu'il entretient avec lui-même (son rapport à sa souffrance, son niveau d'estime de lui, ses attentes...).
La clinique vise à aborder plus particulièrement la dynamique du sens, de la mission de vie, du travail sur la part d'ombre, sur le soi archétypal. La connexion consiste à se relier aux autres, mais aussi à soi-même, à son corps et au monde. Développer la compassion permet d'aider le patient à changer sa focalisation de soi vers les autres. Quant à la contribution, elle permet au patient de sortir du mental et/ou de l'émotionnel pour s'inscrire dans l'action.
La thérapie psychanalytique brève s'est construite dès les années 1920 à partir des interrogations et travaux de Rank et de Ferenczi, et ce, eu égard à certaines limites que rencontrait la cure type auprès de patients très fragiles, inaccessibles à la méthodologie classiquement employée. Cette approche se caractérise par une limitation temporelle, un travail en face à face, un contrôle de la régression, une modulation des séances, le maintien de la libre association, la prise en compte du transfert, l'interprétation des résistances, mais est centrée sur le traitement d'un symptôme ou d'un conflit particulier.
Cette approche thérapeutique est aujourd'hui une indication très pertinente pour des sujets états limites, victimes de traumatismes graves, addictifs ou très jeunes.
Les principes de la thérapie brève
Les principes en thérapie brève sont les règles de conduite suivies par le thérapeute reposant sur les fondements théoriques propres à ce paradigme théorico-clinique. Ils concernent principalement les directions et les opérateurs sur lesquels le thérapeute doit focaliser son attention afin d'accompagner le changement à son niveau optimal et écologique.
Le principe de focalisation sur le patient
En thérapie brève la notion de focalisation sur le patient est un principe central visant à souligner que la personne la plus importante de la consultation est le patient, et non le thérapeute avec ses pensées et ses croyances. De façon générale nous pourrions dire que le patient est le véritable acteur du changement car il connaît sa problématique mieux que quiconque et il est le seul à pouvoir la décrire de telle manière que la solution émerge.
Par ailleurs, la focalisation sur le patient permet au thérapeute de prendre en compte et de respecter la théorie du patient, c'est-à-dire la manière singulière dont il se représente le monde (carte du monde), ce qui constitue un puissant opérateur de changement.
Le principe de focalisation sur la demande
Une autre manière de respecter le patient dans ses choix et ses valeurs est de se focaliser sur la demande qu'il présente et soutient. En effet, les thérapies brèves maintiennent leur attention au niveau logique de la demande (modification d'un comportement, désactivation d'un schéma répétitif, gestion des états émotionnels...) et se focalisent à la fois sur les interactions systémiques et sur la dynamique du symptôme explicite. Enfin, la focalisation sur la plainte du sujet assure au thérapeute de travailler sur un objectif limité, c'est-à-dire précis, personnel, réaliste et atteignable dans une durée limitée.
Le principe de focalisation sur l'objet de la thérapie
La thérapie n'a pas pour vocation première de mieux se connaître, ni de développer de nouvelles compétences ou de mettre à jour un certain potentiel, ni même d'atteindre le bonheur. En cela elle n'est pas une analyse, un coaching ou du développement personnel. Le principe de focalisation sur l'objet de la thérapie permet de garder présent à l'esprit l'orientation et la destination visée par la thérapie et de définir précisément l'objectif souhaité par le patient si celui-ci n'est pas réaliste ou hors du cadre de la thérapie, afin parfois de le réorienter vers d'autres professionnels.
Le principe de focalisation sur le présent
En thérapies brèves, la focalisation de l'attention se porte davantage sur ce qui maintient le problème dans le présent que sur la recherche de sa cause dans le passé sans pour autant nier l'importance de celui-ci. Pour illustrer ce principe, nous pourrions comparer le problème amené par le patient à un feu ; tout feu a besoin de carburant, de combustible et de chaleur (loi des 3 C) sans quoi il s'éteint. De la même façon un problème ne peut perdurer - parfois depuis des années - que parce qu'il est alimenté, dans le présent, par des « comportements-problèmes » ; ces derniers étant envisagés comme des tentatives inefficaces de solution qui ne font que maintenir et renforcer le problème initial basé sur des prémisses erronées (interprétation inadéquate liée aux croyances et au vécu du sujet).
Le principe de focalisation sur « ce qui est »
Le thérapeute est invité à focaliser son attention sur ce que le patient amène en séance et sur qui est disponible dans le présent (centres d'intérêt, ressources, activité professionnelle, situation familiale...).
Ainsi, il s'agit d'exploiter et d'utiliser à des fins thérapeutiques toutes les compétences disponibles, les défauts, les intérêts et les agissements du patient comme moteurs et leviers du processus de changement.
Le principe de focalisation sur les composantes de la plainte
Dans le cadre de l'approche systémique, la plainte du sujet se trouve située au carrefour de nombreuses interactions avec son système. Ce faisant, elle peut être décomposée en plusieurs éléments appelés « composantes de la plainte ». Parmi ses composantes, citons notamment : les personnes impliquées, le lieu, le moment, la durée, la fréquence, les schémas comportementaux et le contexte... Ils caractérisent, structurent la plainte et permettent au thérapeute d'accompagner le patient à comprendre « qui fait quoi, et comment ? » ainsi que « ce qui pose problème ».
En s'appuyant sur une métaphore, nous pourrions dire que le problème est une table de mixage et que les curseurs sont les composantes de la plainte. La thérapie consisterait alors à accompagner le patient à déplacer les curseurs, c'est-à-dire à modifier uniquement certains éléments de la plainte pour obtenir les effets voulus, c'est-à-dire un ajustement de la situation dans le sens le plus écologique.
Le principe de focalisation sur le processus
Le principe de focalisation sur le processus consiste à transformer le problème amené par le patient (la plainte, le contenu) en un système interactionnel et dynamique sous-tendu par un processus central (les composantes de la plainte et les schémas comportementaux, le processus). Par exemple, alors que le sujet « raconte son histoire» (description du vécu subjectif de sa plainte) et explique pourquoi il est déprimé, le thérapeute va s'intéresser au comment il participe à l'entretien de sa dépression. La focalisation sur le processus conduit vers un repérage rapide et précis des éléments et parties du système qui entravent son bon fonctionnement.
La position clinique
De même que le cadre proposé par le thérapeute est une structure d'étayage, de mobilisation de processus psychiques et de contention des états émotionnels, la position clinique du thérapeute (façon d'être dans la rencontre au plus proche du patient et de sa souffrance) est un pilier de la réorganisation, favorisant un dégagement des interactions dysfonctionnelles, une mobilisation des ressources disponibles, un autre regard sur la situation actuelle et la création d'un autre mode de relation à soi, aux autres et au monde.
La thérapie brève ne cherche pas à développer de grandes théories, elle se veut éminemment pragmatique et clinique.
Ce qui guide le thérapeute, c'est davantage la construction de la solution que la compréhension des causes du problème pour tenter de résoudre celui-ci. La focalisation sur la solution concentre l'intervention sur le présent et sur ce qui fonctionne tandis qu'une focalisation sur le problème risque de conduire le patient dans une impasse.
D'un point de vue systémique, ce n'est pas le sujet qui est dysfonctionnel mais plutôt les interactions qu'il entretient avec son environnement. Par conséquent, le thérapeute va chercher à obtenir du patient une définition interactionnelle de son problème, et ainsi permettre que soit prise en compte la totalité des composantes de la plainte. La définition interactionnelle facilitera la mise en place du changement à partir d'un point ou d'un autre du système et grâce à l'intervention d'un des acteurs de celui-ci.
Les patients qui viennent consulter un thérapeute se trouvent en difficulté, en échec, ou bloqués dans leur vie ; situation complexe et statique face à laquelle le thérapeute propose d'ouvrir des pistes nouvelles (éclaircissement, réussite, reprise du mouvement). En thérapie brève, la démarche est d'inviter le patient à explorer une nouvelle façon minimale de voir ou de s'y prendre dans la situation, qui ne peut conduire que vers un changement de niveau un ou, mieux encore, de « niveau deux » : lla recherche, aussi bien que l'expérience clinique, semble confirmer l'idée qu'un petit changement peut entraîner d'autres changements et d'autres progrès.
Le thérapeute va accompagner le patient vers la transformation de son "style de vie", à percevoir autrement, c'est-à-dire à attribuer un caractère temporaire, spécifique et impersonnel plutôt que permanent, universel et personnel aux difficultés qu'il traverse.
Enfin, une fois ces changements amorcés, le rôle du thérapeute sera de les repérer et de les amplifier pour accompagner ces mouvements mutatifs et les ancrer dans l’expérience.
Conclusion
Les thérapies brèves proposent un changement de paradigme (passage d'une causalité linéaire à une causalité circulaire ; passage d'une lecture des processus intrapsychiques à une appréhension des processus interactionnels) qui conduit à une attitude (principes, postulats, position clinique) et une méthodologie (analyse de la demande et niveau d'engagement du patient) spécifiques.
Le courant des thérapies brèves est pluriel, en témoignent sa diversité et sa richesse, et la spécificité du cadre de référence conceptuel sur lequel il repose, différent et complémentaire de celui des thérapies psychodynamiques. Les thérapies brèves s'appuient sur l'axe central de l'augmentation de l'autonomie et de l'implication du patient dans son parcours de transformation.
Comme le dit l'adage « celui qui n'a qu'un marteau voit des clous partout ».